Comment ARA a comblé ses lacunes de manière décisive

Contexte

La société de presse ARA, basée à Barcelone, a été lancée en 2010. Elle publie un journal imprimé et o re une présence numérique (site Web et applications) sur ara.cat. ARA possède des éditions en Catalogne, en Andorre, à Gérone, à Tarragone, à Lérida, aux Baléares et à Valence. ARA existe également en espagnol et o re une sélection d’articles en anglais.

L’éditeur dispose d’un modèle de revenus lecteurs depuis le début, mais a commencé à utiliser un modèle de paywall en 2015, ce qui le rendait unique en Espagne à cette époque. Plus de 63 % de ses revenus proviennent déjà des lecteurs et, surtout, des abonnements (40 000 au début du programme), répartis à parts égales entre le numérique et l’imprimé.

Les premières années d’ARA ont été assez mouvementées avec le déploiement d’éditions locales, d’un paywall, de thématiques spécfiques avec des informations sur la parentalité, l’économie, la culture pop, l’automobile, la science, la gastronomie et la création d’une chaîne de télévision. Tout cela a été réalisé avec une équipe relativement petite (128 employés dont 103 journalistes).

Alors que l’entreprise s’apprêtait à entamer sa deuxième décennie, Tables Stakes est arrivé au bon moment pour l’aider à réaliser un « bilan de santé » interne et identifier (ou confirmer) ce qu’elle pourrait améliorer sur des questions centrales pour son développement : avait-elle le ux de travail adéquat dans sa rédaction ? Les contenus étaient-ils suffisamment pertinents ? Connaissait-elle bien ses audiences ? Pouvait-elle augmenter ses abonnements ?

L’éditeur avait un objectif clair : augmenter les abonnements numériques de 15 % avant la n de son pro- gramme Table Stakes. Et, surtout, « donner la priorité aux audiences » comme l’a écrit son équipe dans sa déclaration de challenge et fournir à ses lecteurs des contenus uniques, riches et de grande valeur, pour lesquels ils seraient prêts à payer.

Choix

Comme le dit souvent Doug Smith, comprendre le problème est déjà la moitié de la solution. Dans la méthode Table Stakes, tout commence par une analyse des lacunes qui identifie les performances de l’éditeur par rapport aux critères énumérés dans les 7 enjeux de Table Stakes, en mettant l’accent sur ceux qui sont vraiment pertinents pour le challenge de l’éditeur.

ARA a identifié des lacunes dans la manière dont il servait ses audiences cibles avec des contenus ciblés. Par exemple, son équipe Table Stakes a rapidement réalisé un « dé cit de production »: seulement 26 % des informations publiées atteignaient réellement une audience (80 % de cette audience). De plus, son analyse a montré que le ux de travail de sa rédaction était trop axé sur l’imprimé et que son organisation ne lui permettait pas de di user les contenus sur ses plateformes numériques à l’endroit et au moment où son audience en avait besoin pendant la journée. Une autre lacune a été identifiée dans le processus d’abonnement puisqu’il existait trop de possibilités d’éviter le paywall (de type paywall au compteur ou metered paywall).

La société n’utilisait donc pas la richesse des données dont elle disposait sur ses lecteurs et abonnés, et était consciente qu’elle pouvait améliorer ses modalités de paiement.

Résultat

Pour ARA, un élément crucial du succès des derniers mois a été de se concentrer davantage sur les contenus créés. Avec le projet Table Stakes Europe, la société a commencé à utiliser et analyser davantage ses données d’audiences. Elle a tout d’abord mis en place un tableau de bord qui fournirait plus qu’une simple vue binaire de ses utilisateurs : ceux qui paient et ceux qui ne paient pas. Elle a analysé le segment sur lequel elle avait le plus de données – ses abonnés – a n de mesurer leurs habitudes de lecture et leurs sujets favoris, tout en évaluant les plus susceptibles de se désabonner. Pour les utilisateurs non payants, ARA disposait de données moins précises. Elle a donc mis en place un système d’enregistrement des utilisateurs a n d’affiner la compréhension de ce groupe et de commencer à prendre des mesures pour augmenter leur utilisation. Une analyse approfondie de ses dix principales rubriques éditoriales, en termes d’utilisateurs, de visites et de pages vues, lui a permis d’identifier le potentiel de sa rubrique « Opinions » pour fidéliser davantage ses lecteurs.

ARA a alors décidé de rendre ces articles accessibles uniquement aux lecteurs inscrits. Par conséquent, elle a pu augmenter le nombre de nouveaux utilisateurs enregistrés de 169 % et le nombre de sessions connectées par les utilisateurs enregistrés de 20 %.

Peu à peu, elle a ensuite réduit le nombre d’articles produits et s’est concentrée sur l’aug- mentation de la quantité de contenus lus par au moins 80 % des utilisateurs, passant de 26 % à 40 %.

En fin, elle a également modifié son calendrier de publication – un effort dans la durée qui s’est traduit par un mélange de brèves et de longs articles publiés tout au long de la journée sur ses chaînes numériques. L’équipe a par ailleurs travaillé sur des indicateurs et des tableaux de bord pour aider chaque journaliste à mieux comprendre les intérêts des audiences préalablement dé nies. Bien que ce travail soit toujours en cours, l’objectif est d’aider la société à ajouter de la valeur aux articles souhaités par ses audiences et de décider, en n de compte, si elle doit cesser de produire une partie des contenus, en d’autres termes produire moins mais mieux.

Par ailleurs, l’équipe chargée des données au sein d’ARA a reproduit le modèle RFV (R pour Récence, soit la dernière visite de l’utilisateur ; F pour Fréquence, soit l’intervalle de leurs visites ; et V pour Volume, soit le nombre d’articles lus) créé par le Financial Times et peut désormais prédire la propension à s’abonner avec une fiabilité de 85 %, ainsi que le taux de désabonnement avec une fiabilité de 65 %.

Comme nous le savons, il ne peut s’agir que d’un travail sur le long terme et qui doit être constamment a né et adapté.

L’équipe d’ARA dirait probablement qu’il reste beaucoup à faire. Son ambition a grandi avec les possibilités qu’elle a vues apparaître avec l’utilisation judicieuse des données et en se posant les bonnes questions.

« Nous voulons désormais fournir des indicateurs à nos rédactions a n de produire davantage pour nos audiences cibles. Nous devons produire moins et souhaitons rendre les contenus que nous produisons plus attrayants pour nos audiences. Nous souhaitons augmenter notre base d’abonnés et réduire le taux de désabonnement. Il n’est pas très élevé, mais nous voulons le réduire encore davantage. Nous voulons découvrir quel est l’écart entre les attentes de nos abonnés et notre production, puis nous moderniserons toutes nos chaînes numériques, c’est notre projet pour l’année prochaine », déclare Georgina Ferri, responsable de l’innovation et des revenus chez ARA.

L’éditeur s’est également fixé des objectifs ambitieux pour les prochaines années, dont celui d’atteindre les 19 millions d’utilisateurs d’ici 2022. Et, avec le funnel construit ces derniers mois, de convertir le plus grand nombre possible de ces utilisateurs uniques en lecteurs enregistrés et en abonnés payants.